Ça pleure, ça gagne, ça pleure encore et c’est tant mieux
Le sport délivre des émotions comme rarement dans la vie. Comme coach mon rôle est de les accueillir pour aider à les transformer.
Hier deux des sportifs que je suis ont gagné. Ce sont ceux qui quelques jours ou quelques heures auparavant avaient tant et tant pleuré. Ils ont gagné parce qu'ils ont du talent, mais aussi parce qu'ils avaient pleuré, parce qu'ils s'étaient libérés de tensions qui les minaient.
Retour arrière. 3 ou 4 semaines auparavant, un de nos jeunes champions essuyait un bel et gros échec dans une compétition préparatoire. Recadré par le sélectionneur il a craqué et le flot de larmes s’est lâché. Et ça a pleuré fort. Alors nous avons marché ensemble. Il pleurait et j’écoutais. Je l’écoutais pleurer sans juger. Sans qu’il ne parle je comprenais ses tensions, ses peurs, son sentiment d’échec, son monde qui s’effondrait. Hier je l’ai vu plus calme, plus posé, plus solide qu’à l’habitude. Comme si ses larmes non retenues l’avaient transformé. Et il a gagné.
Flash back encore. Elle sort de piste et sait qu’elle n’était pas au top. Elle retient ses larmes, un peu, encore. Nous marchons et là elle pleure vraiment, complètement, sans retenue. Elle en a assez. Assez de tous ces conseils qu’on lui prodigue, assez de ces avis souvent intéressés que chacun lui donne, assez de ce que l’on dit d’elle sans vraiment la connaître. Alors elle pleure et son corps se replie. Le soir elle dort, bien, longtemps, calmement. Et l’après-midi suivant, elle gagne sans triompher, sans plastronner, sans frimer. Elle gagne de l’intérieur, du plus profond d’elle-même.
Et autour deux hommes pleurent. Des hommes adultes, des hommes de réussite, des hommes si solides pleurent aussi.
Le premier parce que sa fille a gagné. Et cette victoire semble le toucher plus profond et plus au cœur que tous ses triomphes professionnels. Son visage se tord car il essaie de retenir ses larmes. Un temps plus loin, il pleure plus doucement en regardant sa fille être récompensée.
Le second homme pleure loin du regard de sa championne de fille. De retour chez eux, il lui dira le drame qu’il vit, cet ami qu’il vient de perdre, cette vie fauchée sur cette route. Il lui dira qu’il a du mal à faire bonne figure, qu’il a du mal à entendre les hourras, les cris de joie de la foule alors que son cœur se vide comme un barrage dont l’eau surgit.
Le sport révèle dans ses coulisses tous ces drames, ses torrents d’émotions, ses joies intenses comme ses tristesses immenses. Car en sport tout est plus grand et plus intense.
Certains choisissent de tout garder en eux, de ne rien exprimer, de tout retenir. La plupart de ceux là je les vois s’assécher, se durcir, se tendre dans leurs corps, se flétrir dans leurs visages. Ils croient que ne réussissent que les durs, les solides, les tatoués, les costauds. Et souvent alors ils cassent avant d’avoir gagné.
Je sais moi, que l’on peut gagner après avoir beaucoup pleuré. Parce que l'on a pleuré.
Que l’on peut gagner parce que les larmes ont été respectées, que les souffrances ont été reconnues, que les fragilités ont été vues comme des forces. Parce que une personne a été révélée dans sa complexité derrière le costume du sportif.
Alors souvent après ces larmes, un champion de la vie est né.
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